Par l’Abbé Raymond Elvis MILLIMOUNO
Paroisse
Située au centre de la ville (au cœur du quartier résidentiel), la Mission catholique d’Atar fut fondée en 1955 par le père Raymond DEFOSSE (aumônier militaire en Mauritanie de 1951 à 1955) ! Mise sous la protection du Saint-Esprit, elle porte le nom de « Paroisse Saint-Esprit » dont la fête patronale est célébrée à la Pentecôte.
Ouverte comme aumônerie militaire à l’époque coloniale, elle eut en ses débuts pour tâche d’offrir un lieu de culte et une possibilité d’accès aux sacrements aux chrétiens de tous horizons qui constituaient alors les forces françaises en place. La nouvelle donne créée par l’indépendance en 1960, occasionna naturellement le départ progressif de ces troupes et avec elles de l’essentiel des chrétiens, dont quelques familles.
Le bâtiment église fut alors remis à l’administration locale en 1986 (suite aux très graves préjudices subis par la ville d’Atar au cours de la catastrophe naturelle due aux inondations, survenue le 30 septembre 1984), qui la transforma en antenne régionale de l’Institut Pédagogique National puis, depuis janvier 2021, en locaux de la Télévision mauritanienne. Ce bâtiment fut remplacé par une chapelle aux dimensions plus modestes, faisant corps avec le presbytère.
Les prêtres qui se succédèrent à Atar surent chacun à leur manière s’approprier ce cadre de vie selon leurs goûts ou leurs compétences avec pour point commun la ferme volonté de créer du lien avec la population locale. Mieux, il leur fut toujours donné de fonctionner en binôme avec la communauté de religieuses œuvrant aussi dans cette capitale de l’Adrar depuis 1955. Les audacieuses pionnières furent les Sœurs de St Joseph de l’Apparition, remplacées depuis 1995 par les Filles de la Charité.
Ce binôme Pères/Sœurs constitue le cœur de la présence chrétienne en Adrar – il serait prétentieux d’appeler cela une paroisse (!) -, avec la célébration quotidienne de la messe et une volonté d’agir en commun comme témoins du Christ. Par moments, des chrétiens de passage (militaires français ou espagnols, touristes, ONG, travailleurs ouest-africains), pour quelques jours ou pour quelques années, viennent compléter ce tableau, souvent heureux de trouver un lieu de culte pour beaucoup assez inattendu en ce « cœur du pays maure » traditionnel.
Sens de la présence
A Atar, nous vivons en communauté quasiment insignifiante, marquée par l’ambiance des rythmes de la vie traditionnelle, au milieu d’un monde organiquement musulman. Dans cette réalité quotidienne, nous (prêtres et sœurs) sommes appelés à trouver un style et un rythme de vie dans la perspective de notre foi et de notre mission de présence. Nous essayons ainsi de privilégier le dialogue, pour réviser et approfondir le sens de notre vocation et de notre mission dans ce milieu désertique, en adoptant une attitude d’intériorisation, de prière, d’écoute, de solidarité, envers ceux qui nous fréquentent au quotidien.
Ceci dit, plusieurs caractéristiques se dégagent de nos emplois du temps, donc de ce qui est important dans nos vies. Tout d’abord la prière ! C’est elle qui débute nos journées et qui les rythme, faisant écho partiellement à ce que vivent nos hôtes musulmans, mais nous permettant surtout d’être ancrés en Christ pour lui présenter ce que nous vivons ici et en échange recevoir de lui la force (et la joie !) d’être ses témoins. Elle a lieu tous les jours ensemble, à 7h30’ en semaine, 8h les samedis et jours de fêtes, et à 9h30’ le dimanche ; et séparément dans les communautés à 12h45’ pour les sextes et à 19h30’ pour les vêpres.
Toutefois, il est important de souligner que nos célébrations ne rapportent ni offrandes ni quêtes. Par conséquent, la Mission n’a pas de source de revenue financière. La célébration des sacrements (en dehors de celui de la réconciliation) n’est pas effective dans notre mission.
Ensuite vient notre désir de servir ce peuple auquel nous sommes envoyés, ce qui va se concrétiser par diverses œuvres assez comparables peut-être à ce que vivent d’autres communautés dans notre diocèse.
Pour les Filles de la Charité (la seule communauté religieuse présente à Atar), au nombre de quatre (Isabel, Diala, Maria et Theresa) et de trois nationalités différentes (espagnole, libanaise, vietnamienne), le souci pour les pauvres est primordial. Elles s’occupent de l’animation d’un Centre de handicapés, d’une garderie d’enfants de familles pauvres, d’un CREN (Centre de Récupération et d’Education Nutritionnelle) en cette région qui continue de dépendre de la pluie (rare) et de certaines ressources agricoles (dattes, carottes, mil, haricots) pour son quotidien. S’y rajoute depuis plus récemment un programme d’appui scolaire aux jeunes en difficulté.
Du côté de la Mission où résident deux jeunes prêtres (Raymond Elvis et Edmond Théodore), c’est porte ouverte pour l’accueil des amis et des personnes en quête d’une oreille attentive. Les après-midi, animation de la bibliothèque destinée aux élèves et aux enseignants de la ville, avec en appoint quelques cours de français et du soutien scolaire. Et depuis janvier 2018, l’ouverture d’une salle informatique a favorisé un afflux des jeunes de différents âges vers la Mission, en quête de nouvelles opportunités.
Enfin, le témoignage. A propos du témoignage, il faudrait partir des questions que beaucoup de gens nous posent : « qu’est-ce que vous faites là-bas à Atar ? Comment faites-vous pour survivre ? Vu qu’il n’y a pas de chrétiens, pourquoi l’évêque vous maintient dans ce trou perdu ? En tant que prêtre, vous devez vous ennuyer à Atar ? » La liste des questions pourrait s’allonger.
A ce propos, il est vrai que nous sommes dans un cadre carrément atypique à Atar, mais il faut savoir que la mission appartient à la nature même de l’Église. Annoncer la Parole de Dieu et en témoigner dans le monde (même là où il n’y a pas de chrétien), est un impératif pour chaque chrétien. En même temps, il est nécessaire de le faire en accord avec les principes de l’Évangile, avec un plein respect et un amour pour tous les êtres humains. Considérant les inquiétudes de certains, nous sommes bien conscients des tensions qui se vivent de nos jours entre personnes et communautés de différentes convictions religieuses.
Mais cela ne nous empêche pas d’essayer de vivre, d’approfondir et de témoigner du sens de notre vocation et de notre mission dans ce milieu désertique, en adoptant une attitude d’écoute et de disponibilité, comme de braves missionnaires l’ont fait avant nous. Pour nous, même si nous ne pouvons pas annoncer ouvertement le Christ, les actes de service tels que l’éducation, les soins de santé, le secours et les actes de charité et de justice sont pour nous l’essentiel du témoignage de l’Évangile et de notre présence dans ce milieu.
Puisque le dicton dit : « Fleur, fleuris là où on t’a planté », alors, nous faisons de notre mieux pour fleurir et faire fleurir notre environnement des fleurs de l’Evangile. Pour ma part, toute la joie de ma mission de prêtre passe par ce leitmotiv, car le bonheur n’est pas une chose acquise, mais plutôt à construire jour après jour. J’ose affirmer que mon frère Edmond e moi-même sommes des prêtres heureux et comblés dans notre mission à Atar. Il en est de même pour les sœurs !
A Atar, se fait aussi l’animation du Centre Culture et Langue(s) qui est un lieu de formation destiné au personnel du diocèse pour l’apprentissage des réalités du pays et de sa principale langue véhiculaire, le hassâniya. Des sessions y sont donc organisées, après celle de Nouakchott programmée toujours en septembre-octobre, selon les demandes et les disponibilités ; ce qui occasionne aussi en amont un important travail de recherche et d’études. Le responsable de ces formations en culture et langue est l’abbé Raymond Elvis.